Parmi les figures actives du Nord de l’Ontario, il faut monter jusqu’à Hearst pour rencontrer Laurent Vaillancourt. Ce sculpteur visionnaire déjà connu pour son exploration de câbles d’acier, a exposé, en mai et juin 2001, à la Galerie du Nouvel- Ontario, des écrins-scultures crées avec un amalgame hétéroclite d’objets ramassés dans des ventes de garage, au dépotoir et dans la nature. Ces objets ont été fondus et reconstruits en une juxtaposition de matériaux qui interroge sur la notion auto- référentielle du familier et de l’espace. Les portes abritant ces objets du regard – elles-mêmes des objets de contemplation en soi – défient la curiosité et l’équilibre entre l’intérieur et l’extérieur. Le travail de Laurent Vaillancourt se trouve au carrefour de la sculpture moderne et contemporaine, posant un geste solide entre les liens d’acier et les portes en fontes, entre les textures brutes et les volumes élaborés.
L’art contemporain occupe l’avant de la scène franco-ontarienne tant par son dynamisme que par la convergence des parcours artistiques qu’il déploie. La caractéristique la plus frappante est l’approche multidisciplinaire privilégiée par la majorité de artistes. La Galerie du Nouvel- Ontario (GNO), le seul centre d’artistes autogéré en Ontario, est exemplaire en la matière. Grâce au travail de fond de Danielle Tremblay, la GNO fait la promotion et la diffusion de l’art contemporain à caractère expérimental avec un professionnalisme de niveau international. Des rencontres- causeries et des activités éducatives aident aussi le public sudburois à démystifier l’art contemporain.
Vu le succès et l’enthousiasme qui ont marqué le projet de résidence Extensions intimes à l’automne 2000, les galeries impliquées (la Galerie du Nouvel- Ontario, la Galerie Sans- Nom et l’atelier Imago de Moncton, et l’Écart… de Rouyn-Noranda) ont décidé de perpétuer les échanges et d’élargir leur horizon francophone jusqu’en Europe, pour y inclure la France, avec un nouveau projet à long terme nommé L’ÉCHANGEUR. Nathalie Lavoie de Bagotville, Mathieu Léger, Lise Robichaud, Gisèle Ouellette et Michel Robichaud de Moncton, Gaëtane Godbout, Luc Boyer, Geneviève Crépeau et Mathieu Dumont de Rouyn-Noranda, Yvan Dutrisac et Shahla Bahrami d’Ottawa (pour ne citer qu’eux) sont parmi les participants au programme d’échange entre ces centres d’artistes. Quant à l’approche multidisciplinaire, le travail de Jules Villemaire mérite que l’on s’y arrête pour contempler le mariage réussi entre infographie, photographie et chorégraphie. L’exposition Corps à Corps présenté en mai 2001 à Ottawa étale sans équivoque la précision mêlée au caractère onirique de l’œil de Villemaire, connu pour ses photographies à caractère social. Corps à Corps saisit des instants chorégraphiques clés et les repositionne dans des espaces urbains animés par des éléments plus ou moins abstraits. Le mouvement visuel ainsi créé dirige notre regard à l’intérieur de la propre chorégraphie de Villemaire, qui réussit ainsi le tour de force de rendre ses images digitales aussi vivantes que les sujets. L’esthétique métallique, presque inhumaine, de la moitié des œuvres se marie à merveille avec les expressions dramatiques du corps tendus à souhait.
Par analogie avec la ténacité expressive d’un Villemaire, la présence artistiques des Franco-Ontariens dans les arts visuels est de plus en plus structurée et forte. Deux éléments viennent soutenir cette présence : les apports culturels diversifiés chers à la francophonie, ainsi qu’un essor très marqué de l’art contemporain franco-ontarien. Ainsi, la démarche artistique franco-ontarienne ne s’exécute pas à la périphérie du Québec. Au carrefour des Etats-Unis, du Québec et du reste du Canada, le regard artistique franco-ontarien entretient un champ créatif original et prometteur où les artistes d’envergure internationale et autres artistes pluridisciplinaires trouvent leur espace d’expression.